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À Gaza, « la guerre sanglante est peut-être terminée, mais une autre commence »
dimanche 28 décembre 2025
Ce tract est largement inspiré d’un article de Gwenaelle Lenoir, paru dans Mediapart le 20 décembre 2025
Sous un ciel sombre, les bourrasques d’un vent furieux et la pluie en rafales secouent les tentes. Des hommes s’accrochent aux structures d’un abri précaire, espérant qu’il ne s’envole pas. En vain. La minute suivante, elles s’effondrent sur de pauvres meubles déjà trempés. Plus loin, un enfant d’une dizaine d’années montre en hurlant, rage et désespoir mêlés, la tente de sa famille inondée, les quelques biens détruits. À l’hôpital Al-Shifa, le plus grand de la bande de Gaza, des trombes d’eau tombent des faux plafonds.
La tempête Byron n’a toutefois pas eu les mêmes conséquences pour la bande de Gaza que pour le territoire israélien, où les agriculteurs se sont réjouis que les pluies mettent fin à une longue sécheresse. La fatalité n’a rien à voir avec la nouvelle tragédie qui s’abat sur la population gazaouie. Dans l’enclave palestinienne, près de 800 000 personnes déplacées vivent dans des camps de fortune qui ne résistent pas à ces intempéries. Les sites ne sont pourvus d’aucun système de drainage, ni d’infrastructures pour les eaux usées. La défense civile affirme que 90 % des tentes ont été inondées.
Aide et matériel toujours bloqués
Depuis le cessez-le-feu, la population est confinée dans moins de la moitié de la bande de Gaza, Faute de place, nombre de personnes déplacées ont installé leurs tentes dans les ruines d’immeubles, parfois au rez-de-chaussée de bâtiments fragilisés par les bombardements. Avec la tempête ; une centaine de bâtiments se sont partiellement ou totalement effondrés dans la ville de Gaza, tuant des douzaines de personnes, tandis que le même jour dix-sept Gazaoui·es, dont quatre enfants, sont mort·es de froid.
Gaza a besoin d’abris, de caravanes, de tentes résistant aux intempéries, de matériaux de construction, d’engins de terrassement, de pelleteuses, de bulldozers, de chargeuses. 1,29 million de personnes ont encore besoin d’un abri pour survivre à l’hiver. Mais rien ou presque n’entre à Gaza. Une étude effectuée par 41 ONG montre que 73 % des cargaisons d’importance vitale qui leur étaient destinées ont été empêchées d’entrer dans l’enclave à cause de restrictions imposées par les autorités militaires israéliennes. Aucune autorisation d’entrée n’est délivrée à des unités d’habitation mobiles ni à des équipements de déblaiement des décombres . Il y a peu de changement en ce qui concerne les articles autorisés à entrer. Ce sont presque les mêmes qu’avant le cessez-le feu. Environ 220 camions entrent chaque jour, et non 600, comme il avait été convenu. Les prix ne sont pas revenus à la normale, ce sont toujours des prix de guerre. Des missions visant à évaluer les dégâts causés au système de recueil et d’épuration des eaux usées, problème sanitaire majeur, ont été refoulées et les intrants agricoles, y compris les semences, restent du côté israélien des points de passage.
Le secteur commercial permet aux Gazaoui·es de retrouver « des produits qui en avaient disparu depuis deux ans. Mais qui peut les acheter ? Tout le monde a perdu son emploi, dépensé ses économies pour ceux qui en avaient. Et les prix sont toujours des prix de guerre. Le poulet, par exemple. Il est désormais disponible sur le marché. Et il coûte entre 16 et 27 euros, contre 2,5 à 5 euros avant la guerre », témoigne Ayham Loubbad, jeune employé d’une ONG palestinienne.
Et il ajoute : « La guerre sanglante est peut-être terminée, mais une autre commence, aussi en nous-mêmes. Pendant deux ans, nous avons enfoui nos sentiments sous l’urgence de survivre. Maintenant, nous avons le temps de réfléchir à tout ce qui nous arrive. À nos pertes et à la réalité dans laquelle nous vivons en ce moment. J’ai l’impression que tous nos sentiments des deux dernières années étaient gelés. Et maintenant, ils sont de retour. »
